
PLONGEZ DANS LA
BIOLUMINESCENCE

Des avantages et des limites
Un avantage écologique : Pas d'électricité, pas de CO2
Tout d’abord, nous avons fait une constatation évidente mais néanmoins essentielle. Vous le voyez sur cette photo, nulle possibilité de branchement électrique sur le bécher contenant nos algues. Pourtant, nous avons pu admirer leur lumière. En effet, c’est là un avantage commun et considérable des systèmes présentés : leur bilan carbone, extrêmement léger puisque aucun d’eux ne nécessite d’électricité. Une fois la lampe produite, la quantité de CO2 rejetée est minime.
Grâce à nos algues, nous avons pu réaliser des expériences et des constatations, qui nous permettent d'avoir une idée claire des avantages et des limites de la biolumincence en tant que système d'éclairage.

En revanche, il est possible d'obtenir une meilleur intensité avec les bactéries. En effet celles-ci brillants en permanence, les structures les contenant n'ont pas besoin d'être agitées, et elles peuvent être plus grandes. Aussi la concentration en bactérie peut être bien plus importante, et nous savons que plus elles sont nombreuses, plus leur lumière est intense. Deux des projets les plus prometteurs que nous avons étudiés utilisent d'ailleurs les bactéries bioluminescentes.
L'intensité lumineuse est également plutôt satisfaisante avec le projet Glowing Plants. Malheureusement, l'intensité reste faible dans les deux cas, et la priorité des chercheurs est de l'augmenter.
Une limite : l'intensité
Nous avons pu observer une augmentation de l'intensité lumineuse, qui est donc passé de 0,0 Lux à 0,6 Lux, ainsi que du temps de brillance, qui a atteint 135 seconde, soit 2 minutes et 15 seconde. Ces progrès sont dus à la croissance des algues. En effet, ces dernières se sont multipliées au cours des semaines. Une plus forte concentration des algues nous a logiquement permis d'observer de meilleurs résultats. Cependant, ces valeurs restent extrêmement faibles, si on les compare à celles de nos systèmes d'éclairage actuels. Nous avons en effet pu mesurer une intensité de 17000 Lux pour une ampoule à incandescence de 40 watts, en plaçant le luxmètre à 14 centimètres de la lampe. Le rapport entre la lumière de nos algues et celle de cette simple lampe est de 28333 ! De plus, ces systèmes sont capables d'éclairer en continu durant un temps bien plus long. Citons un exemple extrême, La Centennial Light, ampoule électrique d'une caserne de pompier de Livermore en Californie qui brillerait quasi sans interruption depuis 1901.
Mais notre second constat fut nettement moins enthousiasmant : l’intensité des algues semble être un obstacle non négligeable. Effectivement, nous n'avons jamais pu photographier les algues lorsqu'elles brillaient, la lumière émise étant trop faible pour les objectifs de nos téléphones portables. Voici toutefois un tableau de nos mesures durant 5 semaine, à partir du jour où nous avons reçu les algues. Nous avons mesuré l'intensité lumineuse (à un demi centimètre de nos algues) ainsi que le temps de brillance.



(photos de l'ampoule le jour et la nuit, prises par la webcam installée par les pompiers dans la caserne)
Plus raisonnablement, les ampoules que nous utilisons dans nos intérieurs sont en moyenne capables de briller durant 8000 heures.
Cependant il nous faut nuancer nos résultats. Les mesures ont été effectué sur de petites quantités d'algues (150mL), or on sait que l'intensité de leur lumière croît avec leur nombre. Il faudrait donc imaginer des lampes pouvant contenir un maximum d'algues. Mais, les dinoflagellés doivent êtres secouées pour briller, impossible alors de produire une structure trop imposante, que l'on ne pourrait manipuler. Nous avons alors pensé à un dispositif semblable à un agitateur magnétique, idée qui s'est vite heurtée à deux obstacles. Premièrement, nous savons qu'il ne faut pas secouer trop brusquement les algues, et d'après nos observation, leur intensité et leur temps de brillance diminue si on les "sollicite" plusieurs fois de suite. Deuxièmement, un agitateur magnétique consomme de l'électricité pour fonctionner, alors que l'intérêt d'une lampe bioluminescente est justement qu'elle n'en a pas besoin !
Aussi nous pouvons conclure que l'intensité de la bioluminescence des algues est un frein au développement de lampes, même d'intérieur, utilisant cette biotechnologie.
La lumière permanente des bactéries pose également problème. Les bactéries bioluminescentes n'ont pas d'interrupteur, et si cela convient parfaitement à un éclairage d'extérieur tel que Glowee (la lumière des bactéries bioluminescence apparait quand la lumière du jour disparaît), ce n'est pas le cas pour une lampe d'intérieur comme Biolight. Là encore, nous avons réfléchi à une solution et nous pensons que l'utilisation de "stores pour lampe" pourrait être envisageable. Dans une chambre à coucher par exemple, on peut imaginer une lampe, que l'on pourrait "cacher" derrière des stores lorsque que l'obscurité est désirée.
En ce qui concerne les algues, le problème est l'exact opposé. Les algues, en accord avec leur cycle circadien, ne peuvent briller que la nuit. Impossible donc d'éclairer une pièce sombre si le soleil n'est pas couché depuis au moins une demi heure. Et comme nous avons pu l'observer en ramenant les algues chez nous, elles brillent nettement plus en plein milieu de la nuit, vers 1h00, qu'en début de soirée, vers 18h30. Or l'éclairage d'une pièce se fait généralement entre 18h et 22h30 en hiver et entre 20h et 23h en été.
Une limite : les moments de brillance

Une coque transparente le jour...
...Et bioluminescente la nuit !

Avantage : Pas de pollution lumineuse
Comme nous l'avons vu, augmenter l'intensité de la bioluminescence est donc le défi principal. Seulement il ne faut pas occulter les bénéfices de cette faible intensité. Nous avons déjà évoqué la pollution lumineuse, c'est cette présence nocturne anormale ou gênante de lumiere et les conséquences de cet éclairage artificiel nocturne sur la faune (oiseaux migrateurs perturbés par exemple), la flore, la fonge (règne des champignons), les écosystèmes ainsi que les effets suspectés ou avérés sur la santé humaine (trouble du sommeil, rythme circadien perturbé entraînant l'obésité...). La pollution lumineuse est si présente aujourd'hui que l'ONU envisage de considérer le ciel étoilé comme "patrimoine commun de l'humanité" ! En effet, si l'on s'émerveille devant des photos satellites montrant les lumières visibles de la terre, celles ci témoignent d'une luminosité nocturne jusqu'à mille fois supérieure à la normale (à Hong Kong, ville la plus lumineuse du monde).
En haut : image satellite nocturne de la Terre en 1970
En bas : image satellite nocturne de la Terre en 2000


On observe une augmentation importante des points lumineux visibles depuis l'espace entre 1970 et 2000, donc une augmentation de la pollution lumineuse. Aussi, depuis la Terre, voir le ciel devient de plus en plus compliqué, comme en témoignent ces photos :

Photographies prises pendant (photo de droite) et après la grande panne de courant du 14 août 2003 à Toronto.
On observe que les étoiles visibles avec l'éclairage urbain représentent une infime partie de celles que l'on pourrait observer sans. Or, la lumière bioluminescente qu'exploite Glowee est nettement moins intense que celle de nos éclairages extérieur actuels.
Par ailleurs, la lumière émise par les bactéries est semblable à celle de nos algues, dont nous avons pu obtenir le spectre :

On observe sur ce spectre une raie de longueur d'onde 486λ, qui correspond à une couleur bleu-vert, c'est à dire une lumière froide. Alors que le spectre de la lumière émise par les lampadaires actuels se rapprochent le plus souvent de celui d'une lumière blanche.
Les longueurs d'onde gênantes variant d'une espèce à une autre, il n'existe pas d'idéal. Cependant la lumière froide est préférable pour éviter la pollution lumineuse, alors que la lumière blanche est susceptible de perturber un maximum d’espèces.
Nous en concluons que la faible intensité de la lumière issue de la bioluminescence ainsi que le fait qu'elle soit froide sont des avantages pour son utilisation en tant que système d'éclairage urbain. Glowee pourrait réellement avoir un impact et sur la pollution lumineuse, et réduire la gêne qu'elle occasionne chez les organismes.
Lorsque nous avons commandé nos algues, nous avons également acheté leur "nourriture". En effet, les dinoflagellés peuvent vivre de un à trois mois sans ajout supplémentaire de nutriments, mais au-delà (et pour qu'elles se multiplient), il faut leur ajouter de la "nourriture", c'est à dire un milieu de culture composé de nutriments et de sels. C'est là une contrainte, puisqu'il est nécessaire d'acheter de la nourriture d'un coût de 14,95$ tous les trois mois, mais également de prendre le temps d'en mettre dans la lampe (le dinopet) tous les 7 à 10 jours.
De même, les bactéries de Glowee doivent être dans un milieu nutritif idéal pour se développer et briller. Mais même si les chercheurs y travaillent, le système d'éclairage ne peut pas encore être coupé de toute source externe. Cela signifie que les bactéries peuvent briller durant environ 58h avant qu'il ne faille renouveler leur milieu. Comme pour la lampe DinoPet, c'est un inconvénient puisqu'il faudrait "recharger" l'éclairage public régulièrement. Mais si les chercheurs arrivent au temps de brillance espéré, à savoir 1 à 3 mois, cela devient tout à fait possible. On peut imaginer des "allumeurs de réverbères modernes", qui changeraient le milieu de culture des lampadaires lorsque cela serait nécessaire. En plus d'être écologique, Glowee pourrait créer des emplois !
Enfin, en ce qui concerne les bactéries de la lampe Biolight, le milieu est loin d'être une contrainte, puisque les bactéries se nourrissent du méthane issu du compost du foyer, qui constitue la base de la lampe ! Nul besoin donc d'acheter de la nourriture, au contraire : pour briller, les bactéries recyclent et valorisent les déchets.
La question de la nourriture
Nous venons d'aborder l'aspect "vivant" de ces système d'éclairage avec un angle plutôt négatif, puisque nous nous sommes intéresser à la nécessité de les "nourrir", qui peut s'avérer être un inconvénient. Mais le caractère vivant de la matière bioluminescente peut également être un avantage, et pas seulement dans le cas de Biolight. En effet, théoriquement, et tant qu'on leur fournit le milieu de culture adapté, ces lampes bioluminescentes peuvent durer indéfiniment, contrairement à nos systèmes actuels qui sont périssables.
Voilà une capture d'image de notre milieu de culture au microscope. Les indications fournies par la société BioPop n'étaient pas précises (ils nous informaient que la nourriture contenait "des nutriments"), mais nous avons pu identifier du sel.

Un plaidoyer pour la protection de l'environnement
Tout au long de nos tpe, lorsque nous faisions nos expériences ou que nous parlions de nos algues, beaucoup de personnes se sont intéressées au sujet et nous ont posé des questions. Si les réactions étaient d'abord sceptiques, nous avons pu, au fur et à mesure que nous en apprenions plus nous même, informer notre entourage sur la bioluminescence et leur utilisation pour l'éclairage, mais pas seulement. Le plus important est certainement le dialogue qui s'engage sur les problèmes environnementaux lorsque nous expliquions la nécessité de trouver des alternatives aux systèmes d'éclairage actuels. Le caractère insolite de nos algues nous a permis d'aborder des sujets beaucoup plus courants, mais malheureusement encore trop abstraits pour beaucoup, tel que le gaspillage d'électricité. Dans le même ordre d'idée, la société Philipps considère sa lampe Biolight comme un outil destiné à révéler aux consommateur le potentiel énergétique de leurs déchets. Or nous avons besoin aujourd'hui de faire prendre conscience à la population des défis écologiques auxquels nous sommes confrontés. Nous savons en effet que de nombreux gestes simples, qui relèvent de la volonté de chacun, pourraient réellement aider notre planète.
Le coût de ces énergies
Exception faite de la lampe Dinopet, qui est vendue une centiane d'euros, nous n'avons pu trouver aucune information sur le prix de ces futurs systèmes d'éclairages. Nous pouvons cependant supposer qu'ils sont relativement élevés. Premièrement, le temps consacré aux recherches pour mettre au point ces produits afin qu'ils soient commercialisable est considérable. Cela fait 3 ans que Glowee a débuté les recherches, et il faudra encore de la patience pour pouvoir arriver à une alternative solide aux lampadaires actuels. De plus, lorsque nous avons cherché à nous procurer des algues, les produits proposés étaient relativement coûteux : 50€
pour 10mL. Cependant Glowee assure tout mettre en oeuvre pour que le coup de fabrication de ses lampes soit raisonnable (c'est le coût principal, puisqu'avec la bioluminescence, les factures d'électricités ne seront qu'un vieux souvenir!), afin qu'elles puissent êtres compétitives par rapport aux systèmes actuels.

DES RISQUES SPECIFIQUES AUX OGM
Même si les résultats sont assez prometteurs, le projet Glowing Plants soulève une question éthique. En effet la solution avec les bactéries génétiquement modifiées et la plante sont vendues en kit pour que des biohackers puissent créer leurs propres plantes bioluminescentes. Si pour l'instant les kits ne connaissent aucune régulation par l'EPA (l'Agence de Protection Environnemental américaine), rien ne dit que l'avenir sera aussi dégagé de contraintes. D'ailleurs, même si cette innovation a des intérêts certains, on peut se demander si la dissémination d'une plante génétiquement modifiée n'est pas sans risque pour l'environnement. Les trois chercheurs y ont évidemment pensé, et sont allé poser la question à George Church, un professeur de génétique à l'Université médicale de Harvard dans le Massachusetts.
Dans la nature, pour les plantes, produire de la lumière la nuit pourrait constituer un désavantage, puisqu'il leur faudrait plus d'énergie !